Une foule participe à une manifestation

Analyse de l’article 145 de la loi 3DS et du guide de mise en œuvre de celui-ci.

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L’article 145 de la loi 3DS place l’adjoint gestionnaire dans une position très inconfortable.

Désormais, dans les domaines de la restauration scolaire, de l’entretien général et de la maintenance des infrastructures et des équipements, y compris informatiques, celui-ci pourra recevoir des ordres de la collectivité de rattachement, tout en restant bien entendu placé sous l’autorité hiérarchique du chef d’établissement.

Notons que les trois domaines dans lesquels l’autorité fonctionnelle de la collectivité de rattachement pourront s’exercer sont vastes et touchent à la plupart des aspects de la gestion matérielle...

Les points de frottement voire de superposition seront donc multiples.

Si, par exemple, l’accueil du public ne fait pas partie des trois domaines visés par l’article 145, comment peut-on supposer qu’il échappera à l’autorité fonctionnelle de la collectivité de rattachement alors que celle-ci pourra intervenir dans les domaines de l’entretien général et de la maintenance ? La même remarque peut être faite en matière de sécurité et d’hygiène.

Comment croire que le budget échappera aux dispositions de l’article 145 alors que les collectivités territoriales donneront des instructions dans les trois domaines listés ci-dessus ?

C’est si évident que, d’emblée, le guide de mise en œuvre de la loi 3DS consacre tout un point (le point 5) aux divergences possibles entre l’établissement et la collectivité. Ce point parle même de « désaccord » et prend bien soin de placer l’adjoint gestionnaire dans une étrange position d’intermédiaire entre les deux. Nous savons très bien que cette situation sera très vite et très souvent intenable et invivable. Que de souffrance au travail en perspective !

Soulignons également que la collectivité territoriale pourra transmettre un avis au chef d’établissement en vue de l’évaluation professionnelle annuelle !

« Si elle l’estime nécessaire » précise le guide. Cela ne nous rassure pas. Cette possibilité constituera un énorme moyen de pression. N’oublions pas l’importance que revêt désormais le compte rendu d’entretien professionnel dans la carrière des personnels tant en matière de mobilité, de mutation que de promotion.

Les points 6 et 7 du guide reviennent sur les effets de l’autorité fonctionnelle de la collectivité territoriale sur la situation RH de l’adjoint gestionnaire.

Ce qu’on y lit place peu ou prou l’adjoint gestionnaire dans un jeu qu’il ne maîtrisera pas du tout, sorte de pion aux mains de deux autorités distinctes, qui pourront connaître des antagonismes. Tout ira pour le mieux tant que ces deux entités s'accorderont, mais lorsque cela ne sera plus le cas, il fera assurément les frais de leurs désaccords ou de leurs règlements de comptes, même par induction.

La convention ou l’avenant à la convention ne feront que décrire - plus ou moins bien selon les cas et les qualités de rédacteur des uns et des autres - comment l’adjoint gestionnaire sera vassalisé.

Les personnels administratifs des services d’intendance seront nécessairement touchés par ces nouvelles dispositions : en effet, si l’adjoint gestionnaire reçoit des ordres de la collectivité territoriale, des objectifs à atteindre, cela se traduira forcément par des instructions communiquées à ses collaborateurs.

Outre ces relations délicates avec les deux hiérarchies et ses collaborateurs directs, le gestionnaire sera perçu, par les enseignants et les familles, comme une émanation de la collectivité territoriale. Il devra, n’en doutons pas, subir frontalement les éventuelles réprobations et diverses expressions de mécontentement. L’exemple très actuel des saisons de chauffe prouve, s’il en est besoin, que les décisions des collectivités, auxquelles le gestionnaire devra se soumettre, affecteront directement les conditions de travail des uns et des autres.

L’adjoint-gestionnaire était déjà un bien curieux membre de l’équipe de direction, à la fois en dedans et en dehors du poste de pilotage du navire EPLE. Avec l’article 145, il ne saura même plus quel cap suivre : il flottera dans une barque à côté ou surnagera carrément, mais il sera incontestablement dans une zone de perturbation houleuse. Il est en tous les cas certain qu’il ne gagnera pas en efficacité (ce n’est visiblement pas le but recherché par cette réforme), et qu’il devra être solidement armé pour naviguer dans des eaux troubles plus ou moins agitées selon l’endroit où il voguera.

A terme, ne nous y trompons pas, les personnels enseignants également seront concernés.

Ils le seront même au premier chef, car, ce que visent les collectivités territoriales c’est la régionalisation de l’Education Nationale.

Nous pensons que nous avons tout à perdre avec la mise en place de cet article 145.

Nous ne voulons pas d’une situation schizophrénique qui videra notre métier de sa substance.